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Vanuatu mi lakem yu tumas

mars 2015

Suite à la violence du cyclone Pam, Le Vanuatu a lancé un appel à l’aide internationale.


Je n’ai pas l’ambition de tout vous dire, mais ce que je souhaite, c’est vous parler de ce pays. Il me tient beaucoup à cœur. Pour que ça vous donne peut-être l’envie d’y aller un jour. En tous cas, moi j’y retournerai.

Prêt pour l’accueil des vierges vêtues de leur seule fleur d’hibiscus, et l’indolence post coïtem dans le hamac, aux rêves enivrés de senteurs exotiques, d’arômes d’aisselles poivrées, de breuvages étranges ; mûr pour apprécier le mol balancement rythmé et ondulant de fesses pain d’épicées où l’on voit la trace, collée par la sueur, d’un peu de sable.

Je largue donc les amarres, agite mon mouchoir et quitte Sydney pour un vol de 2 250 kilomètres au-dessus de la mer de Corail, vers le nord-est et l’archipel d’environs 80 îles, la plupart d’origine volcanique, formant le Vanuatu. Les îles Torres, Banks, Santo (la plus grande île de l’archipel, également nommé Espiritu Santo), Maewo, Ambae, Pentecôte, Malikolo, Ambrym, Epi, Tongoa, Emae, Efaté (l’île où se trouve la capitale), Erromango, Aniwa, Tanna, Futuna, Aneitum.

Comme beaucoup d’îles du Pacifique, le Vanuatu se trouve sur plusieurs failles de la coûte terrestre. Au nord, les volcans de Guau et Vanua sont endormis. Toutefois, on y trouve des volcans récents encore actifs et dangereux, comme le volcan d’Ambrym. Au sud, il est possible de monter jusqu’en haut du cratère du volcan de Tanna, pour ramasser des grosses projections de lave. L’attraction étant surtout la nuit, c’est une des richesses touristiques du pays, bien qu’il y ait régulièrement des morts.

A mon arrivée à Port-Vila, la capitale, je ressens le climat tropical et humide. Ici, il ne fait pas un temps à bronzer tous les jours. Avec l’Alizé, les cocotiers balancent autour des maisons. Je remarque aussi les plantes tropicales normales : hibiscus, tiaré, frangipanier, papayer, palmiers en tous genres. Fruits, fleurs et couleurs abondent.

Le Vanuatu est hétérogène culturellement parlant. Parmi les Ni-Vats, mélanésiens autochtones, on trouve d’autres insulaires du Pacifique, les polynésiens ainsi que des asiatiques et européens. Les communautés australienne, néo-zélandaise, vietnamienne, chinoise, anglaise et française côtoient celles du Pacifique.

Héritage historique : on y parle le français et l’anglais. Avec le Bichlamar, une sorte de créole anglais, ce sont les trois langues officielles. Ce Pidgin English, est la langue véhiculaire, influencée par la présence anglaise en Papouasie-Nouvelle Guinée et ressemblant à la langue parlée aux îles Salomon. Il existe encore plus d’une centaine de langues parlées dans chacun des villages de chacune des îles.

Le Vanuatu est un pays essentiellement chrétien. Mais on y trouve pleins d’autres croyances, y compris la sorcellerie, les témoins de jéhova, les adventistes du 7e jours et d’autres dont je n’avais jamais entendu parler avant d’aller là-bas. Tout ce beau monde vie en harmonie avec les mélanésiens (qui sont là depuis longtemps). La plupart des îles sont très peu peuplées. C’est surtout l’île d’Efaté et l’île de Santo qui regroupent la majorité de la population. Certaines populations sont presque primitives parce qu’elles sont quasiment inaccessibles dans la forêt.

Les premiers humains sont arrivés il y a environ 3 500 ans sur des pirogues à balancier, identiques à celles que l’on voit à Tahiti. Au XVIIè siècle, le premier européen découvrant le Vanuatu le nomma "Tierra Australis del Espiritu Santo". En 1768, l’explorateur Louis Antoine de Bougainville a appelé les îles visitées, les "Cyclades". 6 ans plus tard, James Cook rebaptise l’archipel les "Nouvelles Hébrides" (Les Hébrides originelles se trouvent à côté de l’Ecosse).

Au début du XXè siècle, français et anglais installés dans cette région du Pacifique Sud signent un accord transformant le pays en "Condominium franco-britannique". Le pays était divisé en deux colonies. La colonie et les maladies rapportées ont rapidement fait dégringolé la population indigène. Le Vanuatu est devenu indépendant le 30 juillet 1980. Le Vanuatu est un pays pauvre. Sa monnaie c’est le "Vatu". La noix de coco est exploitée à fond : savon, huiles pour la peau et les cheveux. Le vrai problème ici est celui du choc d’une économie traditionnelle de subsistance et de communauté avec une économie de profit et de propriété privée avec des capitaux étrangers.

Sachant que j’aspirai à jouir de l’accueil chaleureux des Ni-Vats, de leur bienveillance naturelle, Puaita une locale de Port Vila, m’avait invité dans un village traditionnel peuplé de sourires authentiques. Depuis mon arrivée au Vanuatu, je partage des moments de la vie des autochtones, enrichi de leur amitié et culture et découvrant un mode de vie, proche de la nature.

Je suis logé dans une hutte en bois de cocotier, bambou et pandanus tressés, près de la plage et des mangroves sur autorisation du chef.

La vie des chasseurs-pécheurs-cueilleurs est ponctuée de virées de plusieurs jours en bateau pour rejoindre le marché de Port-Vila, la toute petite capitale. Là, jour et nuit, ils vendent leurs fruits et légumes sous la halle en fer rouillée.

Je constate avec surprise que certaines de ces dames aux grands pieds et vêtues des pudiques " robes-mission " ne vendent que 2 concombres, 4 tomates, 1 papaye, 6 colliers et 10 coquillages. Elles restent ici jusqu’à ce qu’elles aient vendu ça. Avec l’argent elles achètent du riz et d’autres articles introuvables au village.

A leur retour au village de huttes, je participe au rituel de la cuisine traditionnelle : le Lap Lap (sorte de Bougna de Nouvelle Calédonie) ou les Tuluks, préparés avec les richesses de la nature tropicale : crabes des cocotiers, poulet, cochon sauvage, poisson, banane, coco, fruit de l’arbre à pain, patate douce, ignam, taro, manioc, ces racines et tubercules richement amidonnées.

Le barbecue longuement préparé, cuit dans la terre. Les tubercules râpées, mélangées au lait de coco avec viandes ou poissons, sont couvertes de feuilles de bele (une sorte d’épinard du Pacifique) avant d’être emballés dans des feuilles de lap-lap ou de bananier. Dans un trou, on étale des pierres volcaniques chauffées dans les braises, on recouvre les pierres de la nourriture, puis on étale à nouveau les pierres chaudes pardessus. Ainsi, enterrés sous 2 mètres avec la braise, on laisse cuire à l’étouffée très lentement.

Une fois cuite, la nourriture exhumée annonce le début de la cérémonie. L’extra alimentaire, acheté et ramené du trip de plusieurs jours au marché, donne à l’évènement un intérêt particulier. Nous dégustons.

Chaque matin, marchant parmi les Farés, je vois les adultes occupés à leurs tâches quotidiennes : préparation de la nourriture, fabrication d’outils, construction dans le hangar à pirogues. Une grappe d’enfants courent après les biquettes autour des arbres aux racines géantes, avant de venir vers moi.

J’admire la production de dessins complexes dans le sable, exécutés par des artistes conteurs d’histoires à ceux qui veulent les entendre. Moyen d’information orale et visuel, les sables de la mémoire consacre un art éphémère du fond des temps. Moi, je n’y comprends rien. Mais ça rend le moment encore plus fascinant.

Sur une zone de sable qui a été applanie, on commence le dessin en traçant avec l’index, un sillon représentant une armature de lignes verticales et horizontales, formant une espèce de grille. On trace ensuite un enchevêtrement géométrique de courbes et de droites enroulées autour de cette grille.

Une des caractéristiques essentielles de ces dessins est l’obligation de tracer une ligne continue, qui ne passe pas deux fois par le même tronçon. Comme le jeu auquel je jouais à l’école primaire, consistant à tracer le dessin d’une enveloppe sans décoller le crayon de la feuille. Et effectivement ces dessins sur le sable peuvent être tracés au moyen d’une ligne continue, c’est-à-dire sans lever le doigt du sol, en revenant à son point de départ, et sans repasser par un arc qui a déjà été tracé.

Les dessins tracés sous forme de sillons sur le sable constituent une riche tradition de l’archipel du Vanutu. La tradition de cet art océanien est encore largement pratiquée. Les compositions harmonieuses et géométriques, exécutées directement sur le sol par des spécialistes initiés, servent de moyen de communication exceptionnel entre les membres des différents groupes linguistiques vivant dans l’archipel du Vanuatu.

Forme graphique d’expression artistique, les élégants motifs géométriques transmettent des connaissances mythologiques liées au monde du sacré, au territoire des morts c’est-à-dire le pays des ancêtres, et aussi des rituels autochtones, l’histoire locale, les systèmes de parenté, les phénomènes naturels et techniques agricoles ou bien encore une représentation d’animaux.

à gauche, le dessin représente 4 roussettes
à droite, une tortue de mer

En découvrant les pratiques artistiques et célébrations de la communauté, Je ressens le besoin d’une existence simple en lien avec le milieu naturel, créative, prêt à larguer les amarres, fausser compagnie à mon cocon. Le frisson de l’aventure à bon compte !

La culture des Ni-Vats regorge d’histoires mythiques et légendes où il est question de la responsabilité des hommes envers les esprits offensés. Ainsi, on célébre les puissances naturelles par de nombreux rites et cérémonies, soulignant l’importance culturelle des colères de la nature : raz de marée, séismes, éruptions volcaniques, pluies diluviennes....

Chaque île possède ses légendes, permettant de transmettre de façon orale l’histoire de l’île et de la tribu. La vie des îliens, hommes et femmes, anciens et enfants s’organise selon le cycle des évènements : naissance, circoncision, initiation, rites de passage, mariage et mort.

Sur l’île de Tanna, pendant la Toka, une danse traditionnelle où on tape fort avec les pieds par terre dans le but de vénérer les anciens, les morts, une hécatombe de cochons sauvages sont donnés en offrande. Part essentielle de la nourriture, le cochon est aussi symbole de richesse et de prestige.

N’ayant rien d’autre à faire qu’à contempler, j’assiste à la fabrication du Kava, songeant à la dégustation du jungle juice, ce soir au Nakamal. Ivre d’une sorte de bonheur calme et de joie profonde. La vue que j’ai de cet endroit, c’est une autre île à quelques kilomètres à l’horizon où j’imagine d’autres villageois organisent leur vie au milieu d’une nature généreuse.

Autre île, autre cérémonie. Sur l’île de Pentecôte, la coutume du Nagol, le saut traditionel de jeunes hommes attachés aux chevilles avec des lianes, du haut d’une tour de bois a inspiré aux Néo-Zélandais le saut à l’élastique.

J’espère que la boisson locale à base de racines de Kava fait son effet. Parce qu’il faut être zen pour s’élancer dans le vide du haut de cette tour branlante, avec pour seul retenue un fil à la patte.

Puissant et réputé pour ses 32 substances actives, le Kava breuvage naturel du Vanuatu, est obtenu d’une plante de la famille des arbres à piment. C’est le seul narcotique au monde complètement légal. En effet, il ne provoque pas d’accoutumance ni de dégats sur l’organisme. Un des ingrédients de nombreuses cérémonies Ni-Vat, il est aussi utilisé comme relaxant.

Les racines de la plante une fois récupérées sont rincées, puis découpées en morceau avant d’être transformées en une pâte pulpeuse filtrée avec un torchon. Je vous conseil de le boire cul sec, compte tenu de son goût particulier et plutôt dégueu : âcre, assez épicé, avec la sensation d’avoir en bouche de la boue mélangée à du savon !

Je vais au Nakamal avaler ma ration quotidienne de Kava, servie à la bolée dans une demie noix de coco. Le Nakamal est peu éclairé et on y parle en chuchotant. Prenant bien soin de déguster pour m’imprégner du tanin, je recrache la pate boueuse, profitant rapidement de ses effets. Mes lèvres et ma bouche s’engourdissent ; je suis relax ayant l’impression que ma vue et mon acuité auditive s’affutent. Au bout de quelques heures de ce traitement, j’ai envie de dormir. Je n’ai pas faim, et il faut dire qu’avec la boue qui m’a imprégné le palais, c’est pas étonnant !

Pour enlever ce mauvais goût de ma bouche, je bois quelque chose de sucré. C’est plus agréable pour la sieste.

Je suis impressionné d’avoir rencontré ces gens ; les Ni-Vats non moins curieux, rigolaient qu’un blanc tout rose s’installent chez eux pour quelques jours.

Aujourd’hui, je considère cette expérience avec bonheur. Et je n’idéalise pas naivement la possibilité de pouvoir vivre simplement. C’est faisable ! Mais pas en France, loin, ailleurs. Au pays de mes désirs à l’imagination surchauffée, au pays de mon coeur et mes espoirs maintenant qu’il est temps de le quitter.

Vanuatu où la vie est rêvée, où on vit de maniocs, de tarots et d’ignames, de poissons, de remèdes à base de plantes sauvages, de croyances insensées mais poétiques. Ca fait réfléchir, nous, tristes asservis du portable, du pétrole et du temps qui file.

A bientôt Vanuatu ! Parole de vivant Mi lakem yu tumas

Arno Anktil


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